Elle. Elle se regarde nue face à son grand miroir. Le corps plein de stigmates d’un rapport violent, sa peau fraichement lavée sentant encore trop le parfum du gros porc ronflant à côté. Elle se déteste la poupée Russe, ne supporte pas son reflet, ni sa vie encore moins ces dernières heures. Anya veut le tuer, l’étrangler, l’entendre grouiner et le faire payer pour tous les autres. Elle n’est pas une pute, son corps n’est pas un jouet et entre ses cuisses ne se cache pas un casino. Pourtant les pervers, les hommes d’affaires infidèles payent ses services, n’hésitent pas à débourser les sommes qu’elle demande pour la voir les chevaucher, longuement, durement. Elle tremble, tremble de ces souvenirs qui lui donnent la nausée. Elle s’en veut la prostituée d’avoir tout gâché, d’avoir oublié ses études, d’avoir sabordé sa vie, abandonnée par la figure paternelle. Aujourd’hui elle n’est plus rien, plus qu’une trainée, une salope qui se vend au premier venu, une folle qui vend son âme et son corps pour exaucer la moindre demande. Anya, elle se sent sale. Elle retourne sous la douche, fait couler l’eau et se brûle la peau. Elle veut tuer tous les microbes, gratte le derme à le faire rougir, fait mousser le savon. Elle se sent sale et quoi qu’elle fasse l’odeur ne part jamais complètement. Quoi qu’elle fasse elle sent toujours les mains sur son corps. La nausée lui traverse la gorge. Elle se plie, tombe à genoux dans l’immense baignoire. Le visage baignée par le jet d’eau, elle perd ses repères.

Elle veut s’en sortir la gamine de Moscou, retrouver la chaleur et le confort d’un riche appartement. Elle ne veut plus baiser de force pour quelques billets jetés comme pour nourrir un vulgaire animal. C’est ça. Elle n’est qu’une trainée, un morceau de viande que l’on se partage, qu’on dévore et qu’on jette ensuite dans le caniveau pour que d’autres se servent et prennent les restes. Elle a mal Anastasia, entre ses jambes un feu éclate, un feu néfaste, son ventre bouillonne, son dos est douloureux. Trainée. Elle se lève malgré tout, coupe l’eau et respire. Son cœur bat vite, bien trop vite, des larmes perlent sur ses joues. Elle est fatiguée Anya de mener cette vie, de n’être jamais aimée, de n’avoir personne. Elle est fatiguée d’être seule et de ne pas vivre à cause de ce fantôme. Dans une grande serviette elle se sèche et observe à nouveau son corps. Il est beau son corps, Anya est belle, c’est une beauté froide soviétique. Elle fait illusion quand les cicatrices sont pourtant si fraîches. D’un sous-vêtement elle se préserve, d’une robe elle se pare. C’est à peine si elle se maquille, mais l’argent elle ne l’oublie pas. Pieds nus elle marche jusqu’à la porte et s’y faufile. La prostituée fuit l’endroit immonde, ne se fait pas voir plus qu’il ne faut. Le porc la rappellera à l’occasion pour se vider et elle n’aura pas le courage de refuser quelques dollars de plus pour pouvoir manger. Anya elle s’est un peu perdue en route, elle a pris la mauvaise sortie et aujourd’hui elle tourne en rond sur une route qu’elle ne connait pas. Anya elle cherche l’autoroute à double voies, celui qu’elle a quitté bien trop tôt avec ses amis Xanax et Valium quand en elle se faisait entendre cette voix. Mais Anya c’est une rêveuse qui se laisse le droit de voir les choses changer un jour. Anya elle quittera ce monde de honte pour la lumière. Ou la vengeance. C’est ce qu’elle lui dit. Vengeance.



Pile la pièce vole et c’est une nuit pleine de promesses. Face la pièce retombe dans la paume juvénile. Une chance sur deux de tirer le gros lot, d’être à la hauteur du fantôme qui la hante depuis trop longtemps. Les doigts se délassent et libère le rond de métal. Pile. La gamine aux deux visages sourit. D’un sourire à la fois glaciale et enfantin. Digne fille de son père, qui dans un coin à peu près désaffecté des égouts rassemble des forces petit à petit. Divers trafics sont en cours, des informations sont échangées, des arrangements se font et son emprise grandit de jour en jour. Personne ne sait qui elle est. Anya n’est qu’un masque arborant un visage coupé en deux. Elle ne se dévoile pas. Il ne faut pas. Double Face est si agréable à porter. Double Face c’est elle. La catin n’est rien, qu’une poussière à bruler sous peu. Et elle observe les quelques présences. Peu nombreux, mais arborant ses couleurs. Rouge et blanc. Ils sont plus qu’hier, ils sont moins que demain. Anya est grisée par le pouvoir, par le sentiment d’être quelqu’un, plus proche de lui que jamais. Avec lui. Quelque part en tout cas. « Sors de tes rêveries princesse. » Qu’une voix souffle contre son oreille. Non intérieurement plutôt. « Nous devons tuer l’image du père et prendre sa place. Nous imposer. Pile tu vis. » Elle sourit, le regard azur figé dans un homme saucissonner à une chaise en piteux état. Il ne voit pas le visage, mais il a peur, comme un sentiment glacial qui s’empare de lui. Et elle rit. S’approche, doucement, délicatement. Démarche féline. Elle est pleinement elle-même cette nuit. Il fait bon vivre en osmose. Il fait bon accepter ce que l’on est, qui l’on est. Elle se penche vers l’homme bâillonné. Il n’est plus utile, les autres l’ont fait parler. Anya d’un geste vif sort sa sainte relique, l’agite devant sa victime. « Face tu meurs. » La pièce chante en s’envolant dans les airs. Le temps semble s’arrêter et Anya profite de l’instant. De cette paix qui règne. De ce moment où elle commande, où ce connard. Cet enfoiré qui a payé pour son corps se retrouve à supplier la pitié de cet étrange personnage. La pièce revient en main. Face. Son rire transperce le silence presque froid des égouts. « Vengeance. » Glisse la voix contre son échine. Elle en frissonne. Couteau dans la main. Une moitié de son corps qu’elle contrôle pleinement. L’autre qui semble lui échapper sans qu’elle ne puisse rien y faire, mais ça lui convient. « Vengeance. » Qu’elle chuchote encore. Et d’un geste précis tranche la gorge. Pile tu vis. Face tu meurs. Elle choisit pile. Elle choisit ses règles.

Ça y'est tu es ENFIN validé(e), c'est cool hein ? Maintenant pour te faciliter la tâche, voici un petit résumé des coins importants du forum qui te seront bien utiles pour ne rien louper . Les champs "" sont à faire obligatoirement