21 ans auparavant.
« Vous ne devriez pas être dans ma maison… » Mon pouce dans ma bouche et mon doudou contre moi, j’étais recroquevillée derrière une grille d’aération, faisant face à une jeune femme, à peine plus âgée que ma maman. Elle était plus grande qu’elle par contre et son regard paraissait confus. Elle était habillée avec un drôle de tenue, une capuche venant recouvrir ses longs cheveux bruns. Elle ne pipa mot, m’observant, une main au niveau de son flanc gauche, sur un étui rougeâtre. J’approchais un peu plus mes genoux contre ma poitrine,  reportant mon regard vers le sien. « Où sont mes parents ? C’est eux qui ont criés ? Ils se sont fait bobos ? Ils ont mal beaucoup ? Je peux sortir maintenant ? Maman m’a dit qu’il n’y avait pas d’araignées mais moi je m’en fiche, c’est du monstre que j’ai peur… »C’était un flux de questions qui venait de s’échapper d’entre mes lèvres. Tout se bousculait dans ma tête, j’avais peur, je voulais un câlin et qu’on me dise que tout allait bien se passer. Elle, la femme qui me faisait face, elle paraissait perplexe face à mes propos. Elle me tendit uniquement la main mais moi ben je ne faisais pas confiance aux étrangers alors je sortis toute seule. Maman dit que je suis grande maintenant. J’ai quatre ans, c’est beaucoup, presque tous les doigts de ma main. « Pourquoi il y a de la fumée ? Et pourquoi c’est tout rouge à côté ? » Je levais la tête pour la regarder mais déjà elle me prenait dans ses bras.  On contourna la salle à manger, dont les flammes venaient lécher les murs se répandant comme une traînée de poudre.  Je me blottis alors contre la dame, cachant mon visage au creux de son épaule.


Je n’ai pas vraiment de souvenirs de ma plus tendre enfance. J’ai tenté à bien des reprises de me remémorer des choses les plus simples, l’odeur du parfum de ma mère, le rire de mon père, un Thanksgiving en famille… Mon cerveau semble avoir occulté le tout depuis l’incident. Nyssa m’a un jour raconté, qu’il y avait eu un incendie et qu’elle m’avait sauvée. Je me souviens de ses bras m’entourant et ensuite tout est flou. Je n’ai jamais osé lui en parler davantage, elle n’a jamais été très bavarde à ce sujet.

17 ans auparavant.
Un cri déchira l’atmosphère alors que je regardais la plaie sur mon avant-bras. Des larmes avaient aussitôt dévalées sur mes joues rosées. Je relevais la tête pour voir la jeune femme s'approcher de moi. « STOP ! » hurlai-je, reculant sur le sol. Instinctivement, j'appuyai sur ma peau lésée afin d’en arrêter le saignement. «  Everly, tu dois apprendre à gérer la douleur, à la contrôler, à l’atténuer. Tout se passe dans ta tête…» Je secouais la tête de droite à gauche énergiquement, mes longues boucles brunes tressautant autour de mon visage. Mes pleurs s’étaient calmés mais mon bras me lançait terriblement. Nyssa s’accroupit à mes côtés, écarta ma main. Je m'efforçais de ne pas grimacer, mordant l’intérieur de ma joue. Par reflexe, je venais de transférer ma douleur vers un autre endroit, je n’avais pas le choix. « Une égratignure… » Elle enroula un foulard autour de la plaie puis nos regards se croisèrent enfin. « Je n’ai que 8 ans… » Nyssa sourit, malgré le jeune âge de sa fille adoptive, elle ne pouvait pas nier qu’elle avait du répondant et du caractère. « Et alors ? Concentres toi sur ce que je t’ai appris.   Il faut que tu décentralises ta douleur, quand on n’y pense pas, on ne souffre pas... peu importe l’âge » J'apprenais vite, j'étais une bonne élève et avec Nyssa comme mentor, on ne peut pas vraiment dire que j'avais le choix. Je me devais de faire toujours mieux. Nyssa m’avait recueilli, nourri et s’était occupé de moi comme une mère. « On recommence. » Nyssa se redressa, attendit que je fasse de même et me tendit mon arme, une épée. « Tu attaques.  Je veux plus de rapidité et de précisions dans tes gestes… »

L’élève finira par dépasser le maitre. Ce fut cette phrase qui guida toute mon enfance et mon adolescence. Au fil des années, j’acquis diverses compétences et connaissances. Nyssa insista pour m’apprendre le maniement de diverses armes. Elle m’apprit à observer mon environnement, à voir dans les choses de la vie quotidienne de quoi me venir en aide. La méditation et les techniques de combat faisaient parties de mon entrainement intensif et sans relâche. Elle voulait que je devienne puissante, sans barrière, une tueuse hors pair. Je grandis dans ce contexte, dépassant mes limites chaque jour un peu plus. Elle m'apprit à mettre de côtés toute émotion, tout sentiment pour me focaliser sur le reste.

15 ans auparavant.
La flèche fendit l’air tandis que ma main lâchait la corde de l’arc. La surprise sembla passer sur le visage de l’homme face à moi avant qu’il ne s’effondre sur le sol quelques secondes plus tard. Je restais en garde, m’approchant de lui, de marbre. Il gémissait sur le sol, émettant des gargouillis sanguinolents. Il tremblait. Je décochais une nouvelle flèche, abrégeant ses souffrances. Me penchant, je vérifiais son pouls, attendant qu’il cesse de battre puis me redressais et m’approchais de Nyssa, restée là dans un coin, à veiller sur moi. Je n’avais rien ressenti, je venais de prendre une vie, la toute première, et tout semblait vide en moi. Elle posa une main sur mon épaule, je relevai la tête pour la regarder, le regard dépourvu de toutes émotions, que ce soit culpabilité ou au contraire joie. Elle hocha la tête. « Quelle est la suite ? » J'étais formatée, conditionnée, créé et façonnée pour devenir une arme, pour tuer, pour établir ma propre justice. J’avais dix ans.

Je me rappelle parfaitement de ma première victime, pas vraiment de son visage mais de celui de Nyssa. Elle était satisfaite. Elle ne m'épargnait pas, voulant faire de moi, quelqu'un de forte, qui fait preuve de reflexion et qui un jour serait digne de devenir leader de la ligue des assasins, reprendre le flambeau.
 
Deux ans auparavant.
Je posais mes mains sur son abdomen, tentant d’arrêter le flot de sang. J’étais arrivée trop tard, elle était là, allongée  sur le sol, me regardant, tentant de prendre la parole sans succès. « Chut, ne dis rien. Ca va aller, je vais te ramener à Nanda Parbat et le puits de Lazarre te soignera. Tout va bien aller. » Sa main se glissa sur la mienne, je me retournai un instant vers les hommes autour de nous, aboyant sur eux. Ils étaient plantés là, à ne rien faire. « Je suis …je suis….fière … de toi, Everly. » Je reportais mon attention sur elle, tentant de rester forte et pourtant mes yeux s’étaient remplis de larmes, les retenant de dévaler sur mes joues. C’était la première fois qu’elle me le disait. J’avais toujours essayé de faire de mon mieux et Nyssa était restée toujours aussi exigeante. Elle avait été plus qu’une mère pour moi, elle avait été mon mentor, mon modèle, mon tout. Me penchant, je déposais un baiser sur son front, en profitant pour murmurer doucement à son oreille. « Je t’aime maman… » Je ne l’avais jamais appelé ainsi mais toujours Nyssa. Pourtant c’est bien ce qu’elle était : ma mère.

Ma mère n’a pas survécu ce jour là, elle a rejoint l’autre monde, un qui je l'espère sera meilleur.  Depuis, j’ai repris son costume que je porte avec fierté et honneur. En tant que seule héritière, j’ai pris sa relève au sein de la ligue des Assassins, la dirigeant telle qu’elle m’avait apprit à le faire. Je n’essaye pas d’être à la hauteur, je le suis. En parallèle, j’ai lancé une vengeance personnelle, m’étant jurée de tuer l’assassin de ma mère.

Aujourd'hui:
J'ai rejoins Metropolis et la société du multimilliardaire Grey. Je travaille comme chef de la sécurité là-bas et en parallèle continue de diriger la ligue des assassins. Je vis selon ma propre justice et continue à entretenir cette vengeance personnelle.

   

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